- Use Somebody - [ Lorenzo ]

Lorenzo traversait les couloirs du lycée d'un pas lent et affichant un air morne au visage. Ah, la routine, comme c'est embêtant. Il venait (encore) de se faire renvoyer du cours de littérature. Mr. Bingley, le professeur, le détestait depuis qu'il l'avait eu, l'an dernier, en seconde. Il fallait aussi voir que Lorenzo, après tout, se foutait de l'histoire de la littérature comme de l'an quarante; Aujourd'hui, le motif de son renvoie était "affiche un air dédaigneux et regarde les pigeons s'accoupler dans les arbres par la fenêtre". Fort, très fort, oui. S'en était très blasant, quand ça vous tombait dessus une fois toutes les deux semaines.

Lorenzo était donc en route vers le bureau de vie scolaire, balançant dans sa main gauche le cahier des renvois de la classe, qui faisait aussi fonction de cahier de présence et de cahier de devoirs. Il baille, secoue la tête, et soupire, secoue la tête, et se demande se qu'il va bien pouvoir foutre de l'heure et demie qui se retrouve soudainement libérée devant lui. Il arrive à l'escalier, qui mène vers le premier étage auquel se trouve l'aile administrative, mais on ne lui donne pas l'occasion de même poser un pied sur la première marche : une tornade entre en collision avec lui, et il recule de plusieurs pas, poussant une sorte de grognement surpris. Ah, il fallait, pour éviter les accidents, qu'au moins une personne sur deux fasse attention à son entourage. Là, ce n'était pas le cas. Il regarde le paquet qui s'est retrouvé entre ses bras, et se marre en voyant la petite Alice s'y trouver d'un air perturbé. Alice était une fille de sa classe, mais il ne la connaissait à peine.

- Wallace, alors ! T'es pas censée être en litté avec les autres élèves responsables, vilaine ?

Il réfléchit un peu :

- Ah oui mais non, tu n'étais pas là. Tu es notée absente. Trente secondes...

Il ouvre le cahier d'appel à la page du jour.

- On va te rayer.

[C'est un homme... J'ai déjà un sujet avec Martin sur LE prof de litté ]

Dès qu'elle a retrouvé un semblant d'esprit, Alice se met à parler. Et pas qu'un peu. Et pas très lentement. Lorenzo la regarde d'un air intéressé, qu'il fait si bien pour ses professeurs, et se marre intérieurement. Certaines filles ont une telle capacité à se mettre à parler, beaucoup et vite. Beaucoup, parce qu'elles sont égoïstes et égocentriques, et qu'elles ont besoin de l'attention. Vite, car elles veulent être sures de pouvoir dire tout ce qu'elles ont à dire avant d'être interrompues par l'impatience de leur interlocuteur. Mais Alice a mis Lorenzo de très bonne humeur en le surprenant, et en venant se vautrer dans ses bras, aussi, il écoute poliment alors qu'elle blablate. Elle s'arrête quand Lorenzo lui suggère de la rayer de la liste, et le jeune homme souffle, sauf que... Elle repart aussitôt, approuvant. Il laisse échapper deux petits éclats de rire, avant de sortir un stylo de la poche avant de son sac, et de rayer Wallace, le seul nom inscrit, mis à part le "Elève renvoyé : Medley". Il sourit, et accepte de faire quelque chose avec Alice :

- Ouais, d'acc'. Mais faut d'abord que j'apporte cette saloperie au bureau de vie scolaire.

Il agite le cahier d'appel, de renvoi et de retard sous le nez d'Alice, avant d'attaquer les escaliers. Il se retourne, en riant, comme ça, pour rien, et dit :

- Tu m'accompagnes ?

[ Très bien, c'est un homme ! Alors, c'est un vieux bouc ! ]

Alice finit par se rendre compte où elle se retrouve et recule. Elle allait rouvrir la bouche et puis non finalement. Elle dodelina de la tête lorsqu'il demanda si elle l'accompagnait . Elle monta à sa suite dans les escaliers, et lui pris les cahiers d'appel.

"Attends."

Elle s'asseya sur les marches, pris un stylo dans son sac. Elle leva les yeux au ciel.

"On doit pouvoir faire quelque chose pour se renvoie ... Et si on mettait infirmerie à la place ?!"

Alice commence à le suivre, mais s'arrête à mis chemin, touchée par une pensée. Elle demande à Lorenzo d'attendre un peu, et s'assied. Déjà presque arrivé en haut, le jeune homme se retourne, et secoue la tête d'un air faussement excédé quand il la voit assise. Il redescend les marches jusqu'à être à son niveau, et dit, avec une voix rieuse :

- Déjà fatiguée, huh ?

Alice farfouille sa trousse, à la recherche d'un stylo de la même couleur que celui du prof, et explique à Lorenzo se qu'elle compte faire. Il se marre, et s'accroupit, pour être réellement au niveau de Wallace. Il tend la main :

- Passe. J'écris presque aussi mal que Bing...

Il se marre, et ouvre le cahier à la bonne page, se mettant à l'oeuvre. Il dit, riant toujours :

- Le mieux, c'est si il voit ça. Je serai définitivement mort. Youpin ! Bon, infirmerie alors. Mhm... J'ai fait un malaise ?

Lorenzo rit à la réplique d'Alice, mais ne l'inscrit pas. Il secoue doucement la tête, un large sourire crétin aux lèvres, et dit :

- Bing n'écrirait pas ça. Il aurait écrit, mhm, voyons... "Ne prête attention à rien d'autre que lui, comme à son habitude, et agresse une élève de sexe féminin."

Lorenzo se marre, et écrit sur le cahier "Se dit pris de vertiges et de nausées. Permettez-moi d'exprimer mon doute à ce sujet."
Il sourit à la deuxième réponse de la jeune femme. Il n'est pas faux qu'elle ne venait pas souvent en cours. Lorenzo, lui, y était relativement assidu, mais comme il en était renvoyé une fois sur cinq, il n'avait au final, pas tant d'avance sur Alice. Il se demande comment le professeur de littérature peut se permettre de concentrer toute sa haine pour lui, et se dit que la vie est vraiment injuste. Injuste pour les pauvres élèves qui restent coincés presque tous les jours à écouter pendant des heures Bingley délirer sur les prosopopées de Voltaire, alors que lui avait souvent l'autorisation, l'ordre même, de quitter la salle avant la fin du cours, et sans rien faire !

- Bon, vient;

Il se lève, et tend la main, pour proposer à la jeune femme de l'aider à se lever. Comme c'est chou.

Oh, la voilà repartie au triple galop, Lorenzo a sa suite comme une feuille morte au vent, qui tente vainement de poser pied à terre et de retrouver l'équilibre qu'il a acquis à deux ans en apprenant à marcher. Dang, elle s'arrête soudainement, et Lorenzo, son inertie faisant encore des siennes, se mange le dos de la jeune femme. Où ils vont, où ils vont, mais il n'en sait rien !

- Euh... Cigarette ? Ou... Foyer ? Café ? Non, pas envie. Parc ?

Lorenzo acquiesce, et s'avance avec la jeune femme pour sortir du lycée. Il se demande vaguement pourquoi elle continue de lui tenir la main. Serait-il plus sexy qu'il n'en a l'impression le matin dans sa salle de bain; Lorenzo sourit et exile cette pensée, qui ne peut rien amener de bon. Il trottine pour rattraper la jeune femme, qui le devance encore. Les deux adolescents échangent quelques paroles futiles en route. Quand ils arrivent, Alice lache sa main et se laisse tomber sur la pelouse, aujourd'hui froide mais sèche. Lorenzo s'assied à coté d'elle, et sort son tabac, ses feuilles, ses filtres de sa poche, et se mettant à rouler. Il secoue la tête, et soupire :

- Pathétique Bingley...

Lorsque Alice bondit, réalisant soudain que Bingley est le nom de famille de l'un des personnages masculins principaux de l'œuvre la plus célèbre de Jane Austen, Lorenzo la regarde avec une surprise molle. Un filtre entre les deux lèvres, les yeux rivés sur ses doigts, occupés à rouler dans la feuille une petite quantité de tabac brun et aromatique, il répond :

- Ben, si tu le dis, écoute...

Il est en train d'ajuster le filtre contre le tabac, quand Alice ajoute que si le professeur de littérature ressemblait à l'acteur qui joue Bingley dans le film hollywoodien, elle serait plus assidue en cours. Il se marre, avec un air crétin, tirant un bout de langue entre ses deux rangées de dents en créant un petit rire sifflotant : il est concentré en même temps sur sa cigarette. Il lance un regard amusé à la jeune femme en léchant le papier, pour le coller, et n'ajoute rien, même quand il a finit. Il allume simplement sa clope.

Lorenzo fronce légèrement les sourcils, se demandant si son amour propre et sa fierté masculine devrait être endommagés par cette qualification de "trop mignon" de sa personne. Il rentre immédiatement sa langue d'entre ses dents, et feint un air boudeur, qu'il abandonne rapidement.

- Oh, éh, hein. Ca va.

Il se réconforte en tirant sur sa cigarette. Allongé sur l'herbe, il regarde le ciel, s'imaginant qu'il pourrait être bleu, peut-être avec quelques nuages dont il pourrait commenter les formes... Mais non. Lorenzo grimace :

- Il va pleuvoir...