J'adore vivre, depuis ce matin !

Gee commence à traverser la rue en petites foulées disgracieuses et empressées, quand elle entends l'intégralité de la merde multiple que contient sa trousse se vider sur le bitume. Elle se retourne, mais un vélo passant par la donne un coup de sonnette pour qu'elle se pousse, et la convainc de finir de traverser Brothers' Street, tout en souhaitant bruyamment au cycliste de se calmer un peu. Même si c'est elle la fautive. Comme la plupart des gens, elle est comme ça. Elle aime bien s'exciter sur le gens. Sa feuille, en attendant, est allée se loger contre le torse d'un garçon, sortant du lycée d'un air morne. Gee fait les derniers pas vers lui, alors qu'il recolte la feuille, et lit rapidement le haut. Elle lui sourit, poliment empressée de récupérer sa copie.

- Excuse moi, c'est mon devoir. Je remercie avec humilité ton torse, hé, de m'avoir sauvé d'une heure de colle.

Elle sourit, gênée de soudainement raconter une connerie à un inconnu.

Cigarette coincée entre les lèvres et chapeau baissé sur les yeux, Roux mit un moment à comprendre toute la situation: les bruits, les paroles, les écrits et le reste lui traversèrent l'esprit sans vraiment prendre le temps de s'y graver. Néanmoins, il capta des excuses, un merci, une jeune fille étrange. Un cycliste pas content.
Il rendit la feuille à la jeune fille qui lui faisait face, et, alors qu'il allait s'éloigner avec une esquisse de sourire signifiant que bon ben merci, derien, au revoir et à bientôt, son ventre émit un hurlement digne du plus affamé des loups garous.
Avec un haussement de sourcils intrigué et presque choqué, le jeune homme baissa les yeux sur son estomac, machouillant sa cigarette.

Wow. Hum... Ecoute, il a l'air d'accepter tes excuses.

Gee baisse les yeux vers l'abdomen du garçon, quand son estomac se manifeste avec grandiloquence, se lançant dans un discours avec lequel il aurait pu battre Barack Obama aux élections présidentielles (ou presque). Elle laisse échapper deux rires courts, haussant les sourcils, et rit encore une fois alors que l'adolescent, qui était déjà sur le départ, lui traduit les mots de son corps.

- Wouw. Pas rancunier, dis donc ! Tu l'as bien élevé ! Tu verrais le mien...

Georgia lance un regard lassé vers son estomac, puis rit, se demandant toujours pourquoi elle ne se la ferme pas. Bonjour, merci d'avoir récupéré mon devoir, au revoir, telle est la procédure. En plus, d'habitude, elle n'est pas surexcitée et sursociable comme ça; Elle fronce un sourcil pensif, avant de se reprendre, et d'adresser un sourire poli au garçon en face d'elle.

- Désolée. Merci d'avoir récupéré mon devoir.

C'est plus fort qu'elle, elle est lancée. Un sourire idiot et enfantin perce ses lèvres, et elle ajoute :

- Au fait, je m'appelle Gee.

Re-Wow, alors. C'est encore plus étrange que Roux. Parce que c'est mon prénom, Roux. Mais ça va, en anglais ça veut rien dire, donc on s'en fout. Et derien pour ton devoir, pour ta non-heure de colle.

Voilà. Contaminé par la bêtise de Georgia, Roux s'était lui aussi lançé dans un discours plus débile mais moins bruyant que celui de son ventre, qui se manifesta à nouveau un instant plus tard.
Exhalant un nuage de fumée opaque au dessus de sa tête, Roux se demanda pourquoi autant de conneries, puis fit en sourte de s'en foutre. Il fallais bien qu'il la ratrappe un peu, niveau conneries, la gamine. Et puis, si franchement, aller au lycée, c'était être sans arrêt sérieux, il n'aurait pas fait à ses parents la promesse débile d'aller jusqu'au bac.

Gee sourit alors que le jeune homme, se présentant comme Roux, se met à la suivre sur la route de la connerie. Aussitôt, la débilité de la jeune femme fuit, et la laisse là, face à ce jeune imbécile, plantée comme un artichaut au milieu des hortensias. Elle sourit avec une certaine gêne débile, et baisse la tête. Ah. La clope, entre ses doigts, qu'elle a oublié d'allumer. C'est l'occasion. Pour se donner contenance, pour expliquer son silence nouveau. Elle glisse la cigarette entre ses lèvres, et extirpe son briquet de sa poche, allume. Elle garde son visage baissé pendant toutes ces opérations. Puis elle relève la tête, et dit au hasard :

- En français, Roux, ça ne veut pas dire "wheel" ? Pour les voitures ?

Elle arque gracieusement un sourcil, satisfaite de sa répartie, qui cache pour l'instant son envie de se barrer en courant. Que lui a-t-il pris d'aller raconter n'importe quoi à un terminale ?

Right. Ce n'était pas vraiment la première fois qu'on lui faisait la blague, mais franchement, ça le faisait toujours sourire. Sans pour autant que ce soit drôle. Et de toute façon, Roux n'était pas du genre à s'énerver pour une plaisanterie sur son prénom. Surtout cette plaisanterie là. Et pas de la part d'un fille, oh non.

Et à part, l'allemand, tu fais du français?

Sa blague nulle à pleurer arrache un sourire au jeune homme, ce qui surprend Georgia, qui, pour la peine, se cache derrière une mèche de cheveux (ce qui n'est jamais la bonne chose à faire, elle le sait), et laisse la cigarette fumer doucement alors qu'elle n'inhale pas, trop concentrée à... A quoi ? Elle n'en sait rien. Trop concentrée à ne pas se ridiculiser plus. Par contre, la réponse de Roux lui fait hausse un sourcil, et le regard par la même occasion :

- Pardon ? Ich habe nicht verstanden !

Non, non, on avait dit, plus de conneries !

Nouveau sourire de Roux. Vive la débilité, je vous assure.

C'est encore mieux que "wheel", en fait, c'est "red-head".

Il exhala à nouveau un nuage de fumée opaque et regarda un instant la cigarette de Gee se consumer toute seul. Il se demandait pourquoi fumer était devenu un phénomène de mode, et pourquoi, surtout les filles, fumaient pour le style. Et si elle aussi, fumait pour "avoir l'air cool, quoi!"

Je te la prends, si tu la fume pas.

Georgia rit un peu à sa réponse, désorientée par la sociabilité du garçon, qui l'effrayait et la surprenait. Elle n'avait pas l'habitude de discuter avec les inconnus, parce qu'ils ne l'abordaient jamais et qu'elle ne les abordait jamais. En plus, il lorgne sur sa cigarette; Tant que c'est pas sur ses seins (quasi-inexistants, d'accord)... Puis, il lui demande si il peut lui prendre sa cigarette, et Gee semble la redécouvrir. Elle louche vers sa bouche, se prends de la fumée dans les yeux, et s'exclame :

- Eh, non ! Je l'avais oubliée ! Ah, la conne.

Elle regarde d'un air désolé la clope à moitié consumée, et secoue la tête avec une petite moue, avant de la remettre dans sa bouche, et tirer.

- Merci. Tu me perturbes. Mais je vais la garder.

Pourquoi dire ça ? Pourquoi ?! Gee expire sa fumée en regardant un vélo passer.

Je te quoi? Je te perturbe?

Profondément choqué (Roux n'avait pas le souvenir d'avoir perturbé quiconque auparavant), le jeune homme étouffa un rire et, d'une pichnette, remonta son chapeau pour découvrir ses yeux bleus. Il tira une dernière latte sur son mégot et l'écrasa finalement sur un mur avant de le mettre dans la poche de son jean, bien éteint (le mégot, pas le jean. Quoique le jean aussi).

- Oui.

Roux n'obtiendra pas d'autres réponses de Gee à ce sujet, parce que, d'une, Georgia n'en a aucune à lui donner, et deux, même si elle en avait, elle les garderai probablement pour elle. Elle le regarde ranger son mégot avec un petit rire, et lui fait remarquer qu'il y a une poubelle à dix mètres, sauf si elle se trompe et qu'il collectionne juste les mégots des cigarettes qu'elle fume. Elle n'a pas entendu la sonnerie, qui a retentit il y a quelques minutes (au moment où elle était absorbée par sa cigarette), mais maintenant, avant que Roux ne puisse lui répondre, Juli surgit de nulle part, et lui attrape le bras. En la trainant dans le lycée, elle s'exclame :

- On va être à la bourre pour le cours de ce l'autre cinglé. Bouges-toi !

Cependant, elle s'autorise un regard et un sourire ambitieux à Roux, avant de disparaitre dans le bâtiment. Geogia tire quatre fois précipitamment sur sa cigarette, avant de la lacher, et de disparaitre aussi, avec un vague geste de la main à Roux.


[On les fait se recroiser qques jours plus tard, hé ?]

[Yep, hé.]

Donc, quelques jours plus tard, hé, 17h 45. Roux sortait d'un cours de biologie durant lequel il avait dormi. Vingt secondes avant la sonnerie, la vicieuse professseur lui avait collé une heure de retenue, 'pour que vous puissiez rattrapper ce sommeil, Monsieur Azelan'. Cool.
Le jeune homme était donc sorti de cours en se roulant une enième cigarette. Devant le lycée, il découvrit Marin, venu l'attendre. Marin était le gamin adopté du Goéland. Ses parents étient un peu tous ceux présents sur le bateau, il avait deux ans de plus que Roux, lui aussi un prénom débile, et une affection particulièe pour celui qu'il consédérait comme son petit frère.
Le deux garçons se frappèrent dans la main, et prirent lentement une rue au hasard, tot en discutant de la journée pénible et longue de Roux, pour rentrer jusqu'au port, où un zodiac les attendait pour rentrer au voilier.

Gee s'était de son mieux déconnectée du monde extérieur à elle, ses tasses de café, et l'Illiade. C'était chose nécessaire, pour se concentrer, avec toutes ses voitures qui klaxonnaient, tous ces cafés qui discutaient et ces gens qui étaient bus... Euh, non ! Bah, tant pis. Les gens passaient, jacassaient, les oiseaux se volaient après, les chiens se courraient après, un gros chat gris dormait sur le rebord de cette fenêtre, là bas, au soleil. Georgia secoue la tête et tourne la page, et tente de se concentrer sur le chant 17. Elle y parvient, mais au moment ou elle trouve un truc intelligent à écrire, une voix retentit, toute proche. Elle provient probablement de la double paire de jambes qui sont fichées devant elle. Elle esquisse un rapide geste irrité de la tête, et dit, automatiquement :

- Ta gueule, deux secondes.

Puis elle recopie un vers, et le commente en quelques mots clefs, juste pour qu'elle retrouve le fil de ces pensées quand les jambes auront finit de la déranger. Elle lève la tête, regardant les têtes attribuées aux paires de jambes, longues, de type mâle. Oh, Roue-de-Voiture. Avec un autre. Un peu plus vieux. Un peu plus beau. Carrément différent. Elle dit, avant qu'ils ne se cassent, importunés :

- Désolée. Il fallait que je note un truc.

Georgia hocha de la tête à la réponse, un peu amère, du garçon. Ce n'était pas méchant, mais il était peut-être un peu trop bête pour le comprendre. Ou bien, il voulait juste faire des chichis. Elle réplique donc :

- C'est la formule de politesse allemand.

Son regard glisse de nouveau sur le jeune homme à coté de Roux, qui à l'air mur pour secouer des bras et dire "cui cui les ptits oiseaux". Elle hausse les sourcils et rit un peu :

- Je crois que tu devrait t'occuper du dirigeable à coté de toi, il risque de s'envoler.

Elle referme l'Illiade en faisant claquer les pages et regarde les deux garçons d'un air un peu... prétentieux. Enfin d'un air d'Hermione Granger (c'est plus fort que moi. Pour moi, c'est Hermione, Emma Watson. Alors, je vois ces mimiques habituelles). Elle ajoute :

- Vous n'avez qu'à vous asseoir...

Vu l'ambiance mortel à leur table, Georgia se demanda si elle ne ferait pas mieux de rouvrir l'Illiade et de laisser les deux garçons à leurs affaires, toute en faisant semblant de leur tenir compagnie; Ce ne serait pas la première fois qu'elle ouvre un livre et qu'elle s'y fourre alors qu'elle est en compagnie. C'est même une habitude chez elle, de s'exclure sciemment. Mais elle ne le fera pas cette fois, pour la simple raison que Marin lui adresse la parole au moment où elle s'apprête à reprendre le livre; Comment ils se connaissent. Georgia sourit, un vrai sourire agrémenté d'un peu d'ironie indulgente :

- On ne se connait pas. Mais je suis très amie avec son torse, qui a sauvé l'une de mes copies d'allemand.

Elle marque une pause, et ajoute, les sourcils froncés :

- Comment t'appelles-tu ?

Le jeune homme s'était présenté, sur demande. Marin. Elle avait sourit, avait regardé le bitume. Quand elle avait relevé le regard, Roux avait disparut, et Marin regardait avec un air bien-heureux l'une des tasses de café. Georgia avait dit, pour rire, sous le regard d'envie du garçon, que la tasse était déjà casée, mais Marin ne comprit pas. Alors, elle secoua la tête et expliqua que ce qu'elle avait dit était sans importance. Marin revint à sa contemplation de la tasse, et Roux revint, entouré de deux bières bien roulées. Tel poto, tel poto. Oh, euh, même dans ses pensées, Gee raconte n'importe quoi ! Elle se tait, pendant que les garçons s'amusent dans leurs bières. Roux s'excuse de ne rien lui avoir pris. Elle hausse les épaules, et répond qu'elle n'a envie de rien. Silence.

Roux pouffe, et Georgia lève la tête vers lui. Elle hausse les sourcils, et demande, poliment mais aussi réellement surprise :

- Tu ne t'assieds pas ?

Georgia hausse des épaules. Elle rumine sur la réponse de Roux. Essaye d'analyser. Elle se rends compte que pour analyser Shakespeare et Wells, elle n'a pas de problème, mais que, apparemment, quand il s'agit de vrais garçons, comme Roux, elle n'est pas aussi douée. Qu'est ce qu'il peut vouloir dire ? Elle voit deux choses. Soit, c'est lui qui se fait chier, qu'elle fait chier, et c'est pour ça qu'il veut partir. Soit, c'est une mesure de précaution, au cas où ils la font chier. Se poser des questions ne plait pas à Gee. Surtout quand c'est des questions qui concernent des garçons, et qu'elle ne se poserait à priori pas si elle était avec des personnes en qui elle a confiance. Qu'elle connait.

Georgia se lève en un acoup. Elle attrape la bandoulière de son sac, d'un coup de main y envoie l'Illiade, et le soulève, le posant sur son épaule. Elle prends ses notes sous le bras et son crayon à la main.

- J'ai cours. Les cafés sont payés. A une prochaine fois !

Elle part en courant à moitié. Courant, pour faire semblant d'être réellement pressée, dans l'espoir que les garçons ne regardent pas leurs montres pour découvrir qu'il reste plus d'une demie heure avant le début du prochain cours.

[Un autre ? On ouvre un nouveau sujet...]